La question du mois
Dans cette nouvelle formule de Cathonet, nous avons décidé de publier, de temps à autre, une question de lecteur et de prendre le temps d’y répondre posément. La première que nous avons choisie nous vient de Yvan. Ce dernier se pose une question épineuse qui touche au monde du divertissement et à la morale chrétienne. Il nous demande, en effet, quoi penser des jeux de casinos qu’ils soient des établissements de jeux ayant pignon sur rue ou des casinos en ligne ? En d’autres termes, jouer au casino est-il condamné, dans le principe, par les écritures ? Qu’en pensez ?
Voici son courriel :
« Chers amis de Cathonet,
Cette année, il m’est arrivé de jouer au casino en ligne. Je ne l’ai fait qu’à quelques reprises et pour me divertir. Je n’ai pas toujours gagné mais quand je l’ai fait, j’ai toujours consacré une partie de la somme aux œuvres.
D’après ce que j’ai pu lire, la bible n’interdit pas formellement les jeux de hasards et de casino, mais j’aimerais beaucoup votre avis sur la question. Aussi, ma question est : les jeux de casinos qu’ils soient dans des établissements de jeux réel ou sur internet sont-ils condamnables, même si on ne les pratique que très occasionnellement ?
Merci d’avance de votre réponse.
Très amicalement.
Yvan«
« Jouer occasionnellement aux jeux de casinos ? »
Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous remercions Yvan de son message. Ce n’est pas le premier que nous recevons à ce sujet. Il semble, en effet, qu’avec le grand succès des casinos sur internet la question se pose de plus en plus. Aussi, cette réponse devrait intéresser plus d’un lecteur de Cathonet.
Ce que nous disent les écritures
Les jeux de hasard ne sont pas interdits explicitement dans les textes et le casino ne l’est donc pas non plus. Nous entendons par là que si vous cherchez des mentions précises dans les Saintes écritures à ce sujet, vous n’en trouverez pas. Rien de plus normal. Au temps de la bible, comme à l’époque du Christ, ces établissements de jeux n’existaient pas et encore moins les machines à sous en ligne ou les jeux de casinos modernes. Tout ces divertissements ne sont apparus que bien plus tard dans le temps et si on est aujourd’hui habitué à voir de nombreux casinos jusque sur internet, pas question aux temps bibliques de jeux comme le Plinko, le poker ou de blackjack. On jouait certainement déjà dans certains lieux à des jeux de hasard mettant en jeu des sommes d’argent mais tous les sujets n’ont pas pu être abordés directement dans les écritures. Même le jeu du bonneteau, ressorti récemment dans les casinos en ligne sous le nom de Thimbles d’Evoplay ne semble avoir émergé historiquement qu’au XIVe siècle. Bref, on l’aura compris, en l’absence de références claires, il faut savoir déduire les réponses à partir des éléments en notre possession.
Les évangiles et l’argent
Sur le fond et dans les évangiles, le message du Christ est clair. 1/ Il ne faut pas faire commerce dans les temples. Ils sont réservés à Dieu seul. 2/ L’homme riche n’entrera pas si facilement en paradis 3/ Pour suivre le Christ, (en tant qu’apôtres ou disciples) il faut se dessaisir de ses richesses ou de l’obsession qu’on peut avoir formée à leur encontre. En un mot, le Nouveau Testament nous dit explicitement que l’obsession du gain ou de l’accumulation de l’argent n’est pas une chose moralement souhaitable pour qui cherche le Salut avec sincérité.
Yvan, notre sympathique lecteur nous explique que, pour lui, jouer au casino, est vraiment un divertissement occasionnel. La question se pose donc sur l’usage récréatif de ces jeux. Il nous explique aussi que les fois où il a gagné, il a fait amende honorable en consacrant une partie de ses gains aux œuvres. Se faisant, il a sans doute considéré qu’il n’était pas pour grand chose dans le chance qu’il avait eue. En vérité, ceci n’entre pas tellement en considération au moment de réfléchir sur le sujet.
Certes, dans son cas, il ne s’agit pas ici d’obsession, mais le sujet est tout de même épineux. Dans le principe et en accord avec les évangiles il est sans doute bien plus sage de consacrer le fruit de son travail aux œuvres ou à la dédication à ceux qu’on aime. Bien sûr, il ne faut pas non plus nier que le monde a changé. On en demande de plus en plus aux travailleurs, le stress est là. On n’arrive pas toujours à joindre les deux bouts, quelquefois même l’on vit seul et quand se présente un peu de temps libre, le monde des divertissements offre bien des tentations : un moment d’évasion loin des réalités, peut-être même l’espoir d’améliorer un peu son ordinaire avec une main chanceuse.
Un peu d’histoire sur les jeux en France
Si le monde n’est plus à l’image de ce qu’il a pu être durant les siècles précédents, il peut être intéressant de voir la position de l’Eglise ou même des couronnes sur les jeux d’argent ou de hasard. Pour se faire nous remonterons le temps jusqu’au moment de notre histoire où la religion chrétienne, sa morale, et sa pratique étaient très largement partagées.
La position des couronnes françaises
Au moyen-âge, s’il n’était pas question de casinos, certains jeux de dés ou de taverne impliquaient déjà des paris et de l’argent. Du grand Saint Louis à ses successeurs, les rois ont généralement condamné ces pratiques. Ils l’ont fait, de manière répétée, par divers lois ou textes, ce qui prouvent bien que les gens continuaient de s’y adonner et qu’elles les séduisaient. Dans ce frisson du jeu, il y avait déjà, pour certains, le rêve de gagner de quoi améliorer l’ordinaire et peut-être même, pourquoi pas ? de pouvoir changer un peu sa vie.
Les raisons de ces interdits des jeux d’argent par les royautés n’étaient pas toujours religieuses. Ainsi, en 1369, en pleine guerre de cent ans, le roi Charles V fit une ordonnance pour interdire à tout sujet de pratiquer quelque jeu qui soit, sauf l’entraînement aux armes (archerie, arbalète,…). A y regarder de près, il s’agissait bien plus de renforcer la pratique militaire des sujets du royaume, dans le contexte des conflits de territoire, que de s’élever contre le principe du jeu en lui-même. On sait aussi que la plupart des tournois d’adresse n’étaient pas totalement désintéressés puisqu’il s’agissait souvent, en plus du cœur d’un dame, d’y remporter des prix : l’équipement de l’adversaire, son cheval, quelques écus sonnants et trébuchants, etc…
L’autorisation royale des jeux
Quelques deux-cents ans plus tard, c’est François 1er qui autorisera officiellement la pratique de certains jeux d’argent sur le territoire. Avant cela, ils avaient toujours oscillé entre interdiction sur le papier et une certaine tolérance. Du reste, c’est encore le cas aujourd’hui, rares sont les états historiquement chrétiens qui interdisent totalement la pratique des jeux de hasard ou de casinos. Ces derniers sont appréciés du peuple et il est bien plus question de les réglementer que de les condamner définitivement : ainsi, les profits engendrés peuvent entrer dans les caisses de l’Etat.
Nous faisons ce crochet pour remettre un peu en perspective la question de notre lecteur. S’ils n’avaient pas encore la forme de casinos, même dans les sociétés médiévales profondément chrétiennes et leurs populations largement pratiquantes, les Jeux d’argent et de hasard étaient déjà fort répandus.
La position historique de l’Eglise catholique
Ce n’est un mystère pour personne, l’Eglise, de son côté a considéré, de longue date, les jeux d’argent comme dévoyés (qu’il soit de hasard ou d’adresse ) de la même façon qu’elle a toujours désapprouvé l’usure. Les deux sont liés. Là encore, il suffit de revenir aux textes. Dans les écritures, « Mammon », la poursuite insistante de l’obtention du bonheur par l’acquisition de richesses ou d’argent est le plus court chemin vers la perdition. La vénalité est considérée comme un terrible péché. Il ne faut donc pas se surprendre si la morale catholique ne s’est jamais accommodée de tout type d’activités qui pourraient permettre l’enrichissement personnel, au moyen seul de l’argent. C’est dans son fondement même.
Bien sûr, les jeux d’argent et de hasard ne garantissent pas cet enrichissement systématique du joueur puisqu’une part aléatoire intervient. C’est vrai mais du pur loisir à la recherche de gains, quelle est l’intention qui l’emporte ? Activité purement récréative ? Activité potentiellement rémunératrice ? La frontière est ténue même si lors d’une soirée entre amis ou sur un lieu de vacances, on peut tout à fait comprendre qu’occasionnellement, un pratiquant puisse être tenté par un établissement de jeux, le temps d’une aventure.
Des aménagements sur la question des jeux d’argent
Si l’on reprend quelques exemples de textes de grands religieux du Moyen-âge, on se rendra vite compte que certains aménagements y sont tolérés. Ainsi en 1215, voilà ce que dit le Concile de Latran à l’attention des clercs : « ils s’abstiendront des trafics séculiers, des spectacles, des jeux de hasard, et n’entreront pas dans les cabarets, si ce n’est en voyage». A circonstances exceptionnelles, aménagements exceptionnels. Deux siècles plus tard, en 1432, on pourra encore lire sous la plume de l’évêque de Beauvais. Il s’adresse alors à ceux qui officient sous sa coupe et donc son personnel : « …il est nécessaire que ne faciez chose dont le peuple ait occasion de parler sur vous tant en maintient de vesturez, contenances ou manières, en jeux et esbatemens, et toutes choses qui peut mouvoir a pescher, et mesmement en choses prohibees de droit, et ne say jeu tant prohibé de droit comme le jeu de dez ou de tablez, combien que a y jouer une heure, le jour, pour boire et esbatre, n’y a pas grant mal ». Autrement dit : ne le faites pas, pour montrer l’exemple aux autres, même si dans le fond, il ne résulte pas grand mal de jouer aux jeux d’argent, de temps en temps, pour se détendre. On fait déjà la différence entre pratique occasionnelle, entorse et pratique abusive.
Pour conclure sur la pratique des jeux de casinos
Alors que penser de la pratique des jeux de Casinos en ligne ? Il ne s’agit pas ici de condamner, et encore moins d’encourager mais de réfléchir un peu. Entre respects des principes et aménagements, la question regarde chaque pratiquant en conscience. Les écritures, de leur côté, sont assez claires sur la nature potentiellement sulfureuse de l’argent, quand elle se met à occuper tout l’esprit, même si, nous l’avons vu, il existe un monde entre l’exception et la pratique intensive et régulière.
Pour élargir au delà du simple cas posé par Yvan, nous pourrions dire simplement ceci. En tant que catholiques, nous faisons le constat que, dans le large panel des activités récréatives qui s’offre à tout un chacun, il en existe quantités d’autres que celles des jeux d’argent. Ce sont plutôt celles que nous serions enclins à privilégier. Les écritures comme l’Eglise ont toujours valorisé le travail productif. En dehors des fêtes à la célébration du calendrier, les pratiquants les plus fervents aiment avec sincérité le repos bien gagné, la vie de famille, un bon livre ou un film, l’ouverture et l’échange aux autres, les œuvres, la charité. La vie est trop courte pour prendre le risque de la perdre à courir après des mirages.
Dans nos sociétés, l’argent ne nous est plus seulement présentée comme un simple moyen d’échange ou d’acheter son pain. Elle est devenue la direction, ce qui réduit les hommes, ce qui devrait résumer leurs rêves et leurs aspirations. Réussir sa vie c’est devenir riche. Il faut choisir un travail qui rapporte même s’il ne plait pas, etc… Cette idée fait partie des miroirs aux alouettes que le monde actuel nous propose comme horizon à nos ambitions et pour nous bercer d’illusion. On se réveille un jour, à l’automne d’une vie vide de sens, à avoir couru après des chiffres sur son compte bancaire. En tant que catholiques, nous pensons que le sens de notre court passage en ce monde devrait se situer bien au delà.
L’appât du gain
Ajoutons une chose importante. Au temps du Christ comme aux temps modernes, l’appât du gain a toujours été plein de duplicité. Au delà de sa nature illusoire pour l’obtention de la félicité, son obsession peut entraîner les pires déviances : avidité, envie, cupidité, pingrerie, égoïsme, … Cela peut parfois prendre les contours d’une véritable pathologie et tous ces vices n’épargnent que très rarement les proches ou le prochain de celui qui y est en proie. C’est la plus terrible des solitudes…
Bien sûr et encore une fois, nous sommes conscients qu’il y a une véritable distance entre une occasion et une habitude, entre un divertissement et l’idée que le hasard puisse être une solution à des problèmes d’argent. Il faut simplement être vigilant et rester conscient de l’extrême pouvoir de séduction que peut exercer, à la longue, l’attrait du gain. Prendre le risque de s’exposer intentionnellement à cette tentation, c’est un peu jouer avec le feu. Ça l’est d’autant plus que nos sociétés modernes ne cessent de nous expliquer, à tout bout de champ, que l’argent pour l’argent est une fin en soi et que, pour bien faire, il faudrait que nous en soyons les esclaves. Au fond, le casino n’est qu’un lieu de divertissement au sein d’un plus grand temple dédié tout entier à cette nouvelle croyance. Cela, à notre sens, fait vraiment, partie des choses à méditer pour soi.
A l’heure des casinos en ligne, la tentation demeure encore plus grande de se laisser tenter à ce type de loisirs. Le danger n’est pas que spirituel, il est aussi lié à de possibles addictions. Avec un simple téléphone portable, les casinos sont désormais à portée de main et tous les joueurs ne sont pas nécessairement en situation de se contrôler. La question de la prévention est donc au centre de ces nouvelles pratiques. Certains établissements de jeux, parmi les plus sérieux, sont conscients de l’importance de la prévention. On pourra citer, par exemple, le casino en ligne Banzaï slots qui semble plaire particulièrement aux joueurs. Cependant, il reste du chemin à faire à cette industrie nouvelle pour généraliser ses protections envers les publics les plus fragiles. Là encore, il faudra espérer que chacun s’arme de sens critique et de force pour résister aux sirènes des jeux d’argent dans les casinos terrestres, comme dans les casinos internet.